Korydwen et le rouge de Kenholl

de Tri Yann

Korydwen, Korydwen, pourquoi t'en être allée au premierjour de mai de la quinzième année, fillette païenne,couronnée d'épis de blé. à la fraîche fontaine, dans le bois aux sorbiers ?De s'en venir de Vannes trois hommes. trois cavaliers, au Pardonde Sainte Anne s'en allant chevaucher, de Sainte Anne près deNantes, sur un rocher dressée. Et Korydwen d'entendre les clochessonner.Le premier des cavaliers, de pierreries couronné. cheval blanccomme est blanc le marbre de Carrarz en été.- A Sainte Anne, belle païen je vous mènerai. Venez venez enselle.Mais il n'eut achevé que sa peau tombe en lanières sur son corpstout desséché, qu'en chimère de pierre soudain se trouve changé, et ses bras en poussière et en poudre ses deux pieds. Et de!ses cendres grises, la fontaine est brouillée.Plongeant l'épée dans l'ève, la second des cavaliers renditclaire la source et plus fraîche d'emblée.D'une tortue la tête ornait son casque d'acier, sesécailles recouvraient sa cuirasse cirée.- Qui es-tu, dit Korydwen ?- Bathalan le guerrier! Je suis le fils de Tonkad et de l'océansuis né.- L'océan ne fait naître que sirène ou bien que sorcier. AuPardon de Sainte Anne jamais ne te suivrai !De la fraîche fontaine au troisième des cavaliers, Korydwenen sa bouche de l'ève claire a versé : - Tu es jeune et tes yeux sont de jade émaillés; de quel pays viens-tu sur ta pourprehaquenée?- D'où je viens sept moulins tournent dans les vents salés quifont ma barbe rose comme rose du rosier. On m'appelle Le Rouge àKenholl où je suis né. A Sainte Anne, au Pardon, je m'en vienspour te mener.!De bondir tous les deux dessus la pourpre haquenée. Sonnaientsonnaient les cloches de vers Nantes au clocher.De chevaucher trois jours et deux nuits sans s'arrêter,sans boire et sans manger, de colline en vallées, Mais Korydwens'étonne à la troisième soirée .- Je n'entends plus qu'à peine les cloches sonner.- Ce n'est rien, dit Le Rouge, mais le vent a dû tourner.Viens. païenne, sur ma couche de paille de blé...Ils repartent au matin dessus la folle haquenée. Ils traversentdes forêts de bois de cerf dressés, plus vertes que sontles algues et que d'Irlande les prés, sans boire et sans manger, troisjours deux nuits sans s'arrêter. Korydwen s'étonne à lasixième soirée- Je n'entends plus les cloches du Pardon sonner!- Tu te trompes Korydwen, tu te trompes ma bien-aimée; c'est levent qui est tombé. Il est tard, allons nous coucherQuand Korydwen s'éveille à la septième rosée, elle est seule surla couche de paille de blé : à la place du Rouge elle découvreà son côté des serpents et un miroir brisé.Et Korydwen d'y plonger son regard pour le croiser, mais levisage qui lui fait face de la faire sursauter : c'est celuid'unevieille femme d'au moins cent et dix années dont des serpentsdévorent les pauvres seins déchirés, Et Korydwen de voir sonmaigre sang couler, et la terre le boire et sa mort arriver.Et de son ventre froid soudain s'envole un épervier qui plongedans la Loire, en saumon enchanté.

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