Croque

de Thomas Fersen

Quand je rentre à la maison
Elle me dit souvent
Que j'ai une tête d'enterrement
Et elle a raison
Je travaille au cimetière
C'est inconstetable
Je laisse ma tête au vestiare
Et je me mets à table
Faut pas se laisser abattre
J'ai une faim de loup
Moi je mange comme quatre
Et je bois comme un trou
Puis je retourne au cimetière
Travailler d'mon mieux
Digéérer mon pot de bière
Et mon croque monsieur

Pendant l'oraison du prêtre
J'ai un petit creux
Moi je pense à ma côtelette
À mon pot-au-feu
Aux prmières couronnes de fleurs
J'ai déjà la dent
C'est mon estomac qui pleure
À chaque enterrement

Comme un côté du cimetière
Est inhabité
J'ai planté des pomems de terre
Dans l'intimité
Et dans ma jaquette noire
Entre deux services
Je donne un coup d'arroisoir
Et je cours à l'office
Je gratte, je bine et je bêche
Quelle heureuse surprise
Quand je trouve un ver pour la pêche
Je range ma prise
Dans une boîte en fer blanc
Le temps est superbe
Voilà un coin épatant
Pour déjeuner sur l'herbe

À présent qu'a sonné l'heure
L'heure du goupillon
Je pense à mes pomems vapeur
À mon court-bouillon
Et quand tombent les premières gouttes
Sur mon haut-de-forme
C'est mon ventre qui glougloute
Mon ventre qui grogne

Parfois je croque un oignon
Parfois une gousse d'ail
Parfois même un champignon
Est une victuaille
Il faut faire avec
Ce n'est pas copieux
Car ces oraisons du prêtre
On en voit pas la queue
Le vent chasse les nuages
C'est providentiel
Un grand disque de fromage
Tourne dans le ciel
La faim me monte à la tête
J'avale mon chapeau
Un bouton de ma jaquette
Et un pauvre mulot

Je n'suis pas dans mon assiette
Je vais rendre l'âme
Quand je pense à mes paupiettes
À mon croque-madame
A fait trop longtemps qu'ça dure
Je m'allonge un peu
Sur le tapis de verdure
Et je ferme les yeux

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