Les poissons

de Mano Solo

Les rêves ça pousse sous la pluieQuand la dernière larme fait déborder la rigoleEt le flot t'emporte loin très viteEt tu ne sens plus le froidL'eau qui te mouille et tu respires dans la vagueEn déclarant aux poissons plutôt creverPlutôt mourir que ne pas vivreAlors, alors ils t'écoutent sachant bien que tu n'es pas d'iciEt comme un étranger rentrant chez luiTu vas partir tu n'es pas de ce mondeEt ta femme jalouse possessive et redoutableA laissé sur toi son parfum tenace et visqueuxMadame la mort ne supporte pas d'incartadesTout juste elle te donne du mouFaire le fanfaron déchiré sur un comptoirA hurler pour un panier de crabesUne tribu de morues et un banc de maquereauxEn brandissant ton poing rageurMoi c'est pas ma femme qui porte la culotteAlors ils rient ou s'émeuvent du ridiculeOu de la naïveté et les conversations reprennentChacun dans sa bulle d'eau propreLes poissons s'en branlentIils ne viendront pas chez toi vérifierA-t-on déjà vu un poisson sortir de l'eau et visiter la réalité?Il y a pourtant tant de choses à dire, tant de choses à faireTant de barreaux à scier avec les dents qui restentIl y a tant de morts à vivre en toi, cimetière ambulantDe souvenirs de chair et de sang d'espoirs inassouvis abattus enplein volTant de haine qui ne se tait que pour reprendre son souffleTant d'amour jamais si vrai qu'au moment où il fait malTant de choses à dire, tant de chemin parcouruPour n'oublier que les autres qu'on traverse et qu'on transpercePour se retrouver tout rouge, la bouche dégoulinanteD'une valve qu'on mâche encore.Il y a tant de vérités qui ne servent qu'à mentirTant de merde pour chaque jour sortir de mon culIl y a tout ce qu'on mange et tout ce qu'on tueIl y a tant d'amis d'aujourd'huiQui déversent des mots qui flattent mon egoComme la croupe d'un cheval de labourEt qui plongent dans le sillon définitivement impurIl y a tant de feux-follets, femmes étincelantes qui percent mesténèbresL'espace d'un instant, juste un instant, t'es pas rendu mon garsIl y a tant de choses en toi, alors la marée s'en vaEt les poissons avec elleAlors planté dans la vase tu sais qu'elle t'attendEt qu'à mesure que l'eau descend sous ta peau tu la sensQui récupère son bien, tu lui appartientAlors elle te ramène chez toi titubantEt te borde dans ton lit froidEt elle gèlera tes rêves pour que tu ne t'y noies pasPas encore et tu sens ton corps flétrirEt racornir sous le gel à mesure qu'à l'intérieur gonfle toncœurEt encore une nuit à attendre de savoir si tu tiendras lespressionsA se demander pourquoi ne pas laisser bétonCette histoire n'est plus la tienneIl est mort depuis longtemps le beau jeune homme au talentIl ne reste que sa rage qui demain te tiendra deboutMomie raidie par le froid avec juste la force de pleurerSous cette putain de pluie où naissent les putains derêves

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