Ton plus beau jour n'est pas encore venu

de I Muvrini

Ils ont longtemps marché
Ils viennent de ces chemins
Où les hommes et les femmes
N'ont jamais eu qu'un coin du feu
Pour y chanter la peine l'amour et le travail

Ils sont des gens du bord de l'eau et de la terre

Là-bas
Chez eux où la parole commence par le chant
Là-bas où le vent de l'histoire des autres
A souvent déchiré la paix sur leurs rivages
Leur laissant au cœur de vieux chagrins

Ne fermez pas la porte

Ils viennent d'une mémoire
Qui n'est pas racontée sur les bancs des écoles
De ces mémoires
Que seules les pierres racontent encore

Ce qu'ils ont au coeur est sur leur visage

Les mots qu'ils disent sont des mots simples
Qui parlent de vie de dignité
Quand d'autres pourraient croire
Que chez eux tout est perdu
Quand d'autres pourraient croire
Que tout s'est arrêté dans les veines de leur avenir

Un jour
On leur a dit que leur langue n'en était pas une
Que leur terre était pauvre
Ils y ont consenti
Ils n'y ont jamais cru

Ne fermez pas la porte

Dans les mains
Comme un geste d'amour du côté humble de la vie

Ils portent un bouquet de leur terre
Pour dire tous les arbres
Toutes les forêts
Tous les amours de chez eux
Dans les mains ils ont aussi une lumière


Comme celle qui brille dans leur maison
Là où ils vivent
Au pied d'une montagne fleurie
Ornée de couronnes de pierres
Petites murailles empreintes des pas
De leurs premiers jardiniers

Là où ils vivent
Au coeur de ces petits villages de pierre grise
Leurs châteaux
Qui portent des noms comme des poèmes
È quandu u primu ragiu si pesa nantu à u Monte Cintu
L'Alcudina o U San Petrone
Quand le jour se lève à Calasima
Leurs rêves à eux parlent de reconnaissance
De fraternité
D'humanité

Quand ils quittent ces châteaux-là
Plus ils s'en éloignent
Plus leurs coeurs y font retour
Mais ce qui les lie ì leur terre
Ne les oppose pas à tout ce qui les lie aux hommes
À tous les hommes
À tous les peuples

Ils ne sont pas que différents
Mais tellement semblables
Humains
Faibles et forts à la fois

Ne fermez pas la porte

Parfois il fait nuit sur leur chemin
Leur veilleuse tremble
Il leur arrive de tomber
Et quand chez eux un homme tombe
Quand une âme se perd
Quand un cœur s'égare
D'autres lui donnent la main
Le ciel reste muet
On dit que les portes se ferment

Chez eux
Quand les hommes se taisent
C'est qu'ils n'ont pas de mots pour le dire
C'est qu'ils ont beaucoup à dire
Une blessure
Une envie de guérir
Les mots qui ne leur viennent pas danser sur les lèvres
S'en vont hurler au fond de l'âme
Chez eux
Quand les hommes se taisent
Ce n'est pas pour piétiner la justice
C'est pour lui laisser sa place

Le silence c'est leur révolte
Le silence
C'est leur non violence à eux
Leur cri
Leur frontière
Leur retrait avec l'injustice

Le mot amour
Ils ne le disent qu'avec précaution
Mais il est partout dans l'air

Il est des mots dont ils pensent
Que moins on les prononce
Plus ils se font entendre

Ce soir
Autour du chant qui réchauffe la rencontre de soi
La rencontre de l'autre

Ils cherchent un feu de joie
La fin d'une peine
Ils cherchent ensemble
Le mot
Le regard
Le geste
Qui pourrait faire frémir la montagne

Comme une réponse à tout ce qui trahit
Comme une réponse à tout ce qui oublie .....

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