La femme d'Hector

de Georges Brassens

En notre tour de Babel
Laquelle est la plus belle
La plus aimable parmi
Les femmes de nos amis?
Laquelle est notre vrai nounou
La p'tite sur des pauvres de nous
Dans le guignon toujours présent
Quelle est cette fée bienfaisante?

C'est pas la femme de Bertrand
Pas la femme de Gontrand
Pas la femme de Pamphile
C'est pas la femme de Firmin
Pas la femme de Germain
Ni celle de Benjamin
C'est pas la femme d'Honoré
Ni celle de Désiré
Ni celle de Théophile
Encore moins la femme de Nestor
Non, c'est la femme d'Hector

Comme nous dansons devant
Le buffet bien souvent
On a toujours peu ou prou
Les bras criblés de trous
Qui raccommode ces malheurs
De fils de toutes les couleurs
Qui brode, divine cousette
Des arcs-en-ciel à nos chaussettes?

Quand on nous prend la main
Sacré bon dieu dans un sac
Et qu'on nous envoie planter
Des choux à la Santé
Quelle est celle qui, prenant modèle
Sur les vertus des chiens fidèles
Reste à l'arrêt devant la porte
En attendant que l'on ressorte

Et quand l'un d'entre nous meurt
Qu'on nous met en demeure
De débarrasser l'hôtel
De ses restes mortels
Quelle est celle qui r'mu tout Paris
Pour qu'on lui fasse, au plus bas prix
Des funérailles gigantesques
Pas nationales, non, mais presque

Et quand vient le mois de mai
Le joli temps d'aimer
Que sans écho, dans les cours
Nous hurlons à l'amour
Quelle est celle qui nous plaint beaucoup
Quelle est celle qui nous saute au cou
Qui nous dispense sa tendresse
Toutes ses économies d'caresses

Ne jetons pas les morceaux
De nos cœurs aux pourceaux
Perdons pas notre latin
Au profit des pantins
Chantons pas la langue des dieux
Pour les balourds, les fesse-mathieux
Les paltoquets, ni les bobèches
Les foutriquets, ni les pimbêches

Ni pour la femme de Bertrand
Pour la femme de Gontrand
Pour la femme de Pamphile
Ni pour la femme de Firmin
Pour la femme de Germain
Pour celle de Benjamin
Ni pour la femme d'Honoré
La femme de Désiré
La femme de Théophile
Encore moins pour la femme de Nestor
Mais pour la femme d'Hector

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