Les Caraïbes

de Charles Aznavour

Connaissiez-vous, voilà vingt ans
Ce vieux forban de Jonathan
Qui bourlinguait par tous les temps
Aux quatre coins des Caraïbes
Il vient de rentrer de là-bas
Après bien des hauts et des bas
Pour ouvrir un café tabac
Qu'il a nommé les Caraïbes
C'est ce bistrot aux vitres sales
Qui sera sa dernière escale
C'est là qu'il a posé un sac
Juste au coin de la rue du Bac
La rue du Bac
Bien installé à son comptoir
Quand il y va de son histoire
Il fait rêver son auditoire
Un petit cercle de poivrots notoires

Il parle et vous fermez les yeux
Comme aveuglé par tout ce bleu
Ce poudroiement d'or et de feu
Qu'est le soleil des Caraïbes
Il a souffert tout les climats
Crevé de fièvre à Panama
Il a vu les derniers trois-mâts
Cingler au vent des Caraïbes
Avec un charme incomparable
Un talent de compteur Arabe
Il dit le chant des boucaniers
Grimpants pieds nus dans le huniers
Dans les huniers
Puis il s'endort dans son hamac
Bercé par le chant du ressac
Car après cinq ou six cognacs
Les cocotiers sont dans la rue du Bac

Tant que les clochards du quartier
Auront plaisir à l'écouter
Autant que lui à raconter
Il parlera des Caraïbes
Car c'est ainsi qu'il est heureux
Il sait se contenter de peu
Et vit dans son café miteux
Comme il vivait au Caraïbes
Un e opulente mulâtresse
Lui sert de bonne et de maîtresse
Et lui a donné six loupiots
De toutes les couleurs de peaux
Avant de tomber ivre mort
Il montre au loin les feux du port
Il est toujours seul maître à bord
Et son bistrot c'est son île au trésor

Connaissiez-vous, voilà vingt ans
Ce vieux forban de Jonathan
Qui bourlinguait par tous les temps
Aux quatre coins des Caraïbes
Il vient de rentrer de là-bas
Après bien des hauts et des bas
Pour ouvrir un café tabac
Qu'il a nommé les Caraïbes

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