Ce métier

de Charles Aznavour

De galères en galas
A Paris, en province
De scène d'Opéra
En spectacle de rue
De fabuleux contrats
En cachets plus que minces
Pour nous quoi qu'il en soit
Le rêve continue

Ce métier, c'est le pire et c'est le meilleur
On a beau s'en défendre il nous tient et nous hante
Que l'on soit comédien, danseur ou que l'on chante
Ce métier, il fait mal comme il fait rêver
Et du "temps des cerises" à "être ou ne pas être"
Que l'on soit débutant ou déjà passé maître
Au plus haut de l'affiche, ou à peine cité

Il est notre patrie et notre champ d'honneur
Du vieux conservatoire ou enfant de la balle
Notre seul horizon est au fond d'une salle
Notre soleil jamais qu'un coup de projecteur

Ce métier, qui tient tous nos sens en éveil
D'échec retentissant en triomphale route
Qui nous gonfle d'orgueil, ou nous détruit de doute
Ce métier est le seul jardin de nos merveilles
De nuits de dépression
Après que la critique

A tort ou à raison
Nous traîne dans la boue
De moment d'émotion
En instant de panique
On entre en religion
A l'heure ou tout ce joue

Ce métier de crève faim de va-nu-pieds
Que ce soit à l'écran, sur scène ou bien en piste
Il faut pour le tenter être un rien utopiste
Car il fait peu d'élu pour beaucoup d'appelés

Ce métier qui peut nous abolir parfois
Commandeur de Paris, ou Sir en Angleterre
Les Sept d'or, les Césars les triomphes ou Molières
C'est toujours le public au fond qui les octroie

Fier sous les quolibets, humble sous les bravos
Faussement protégé par le mot de Cambronne
Émouvant, hilarant, en forme ou bien aphone
Mais déchiré de trac au lever de rideau

Ce métier, n'est pas facile à assumer
Bâti sur le succès il rend tout vulnérable
Mais bien que sans mémoire, et bien qu'impitoyable
Il reste le plus beau car c'est notre métier

Il reste le plus beau, car c'est notre métier

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